Hanami et momijigari

Les japonais éprouvent un profond respect pour la nature. Deux événements particulièrement marquant attirent les foules, l’un au printemps et l’autre à l’automne.

Hanami : contempler les cerisiers en fleurs


Au printemps, la coutume du Hanami (花見), tradition de contemplation des fleurs de cerisiers, est un rituel d’origine purement japonaise, célébré chaque printemps lorsque les cerisiers sont en fleurs. Pendant le Hanami, les gens se rassemblent dans les parcs ou jardins pour pique-niquer et profiter de la beauté éphémère des fleurs de cerisier (sakura 桜) . Cette tradition est considérée comme un moment de réflexion sur la nature transitoire de la vie car les fleurs de cerisier symbolisent la beauté éphémère de la vie, rappelant aux gens la préciosité et la fragilité de l’existence, et l’importance de vivre chaque moment pleinement.
Le Hanami est un rituel social où les gens se retrouvent en famille ou entre amis pour un pique-nique. Ils dégustent divers mets, boivent du thé ou du saké sur des couvertures installées sous les arbres en fleurs.

Dans certains endroits, les cerisiers peuvent être admirés de jour comme de nuit, étant parfois illuminés pour l’occasion. La pratique de l’observation des fleurs de cerisier la nuit est appelée yozakura.

Le pique-nique sous les fleurs est une coutume depuis l’antiquité. Le pique-nique printanier était à l’origine l’occasion de trouver le ou la partenaire pour les jeunes gens plus que pour apprécier la beauté des fleurs. On dit que c’est à partir du 9e siècle que les aristocrates ont pris l’habitude d’aller contempler la floraison des cerisiers. C’est alors qu’il est né le hanami, pique-nique en quête des fleurs de cerisiers.

L’événement est si important que le service de météo japonais publie des prévisions relative à la date de floraison dans chaque région du Japon (sakura zensen). Du fait de la diversité du climat, le hanami débute au sud un mois avant le nord du pays.



Le premier Hanami officiel aurait été organisé par l’Empereur Saga (786-842) au temple Kyomizu de Kyoto. À partir de l’an 831, le Hanami est devenu annuel à la cour impériale, avant de se répandre chez les samouraïs, mais c’est vraiment pendant la période Edo (1603-1868) que les Japonais ont commencé à organiser des festins sous ces arbres en fleurs.

paravent commémorant un hanami à Yoshino (Nara) en 1594

Avant l’arrivée du calendrier, les japonais se calaient sur la floraison des cerisiers pour annoncer le début de la saison de plantation du riz. Dans « sakura », « sa » se réfère au dieu des rizières et « kura » se traduit par un piédestal (le piédestal du dieu) signifiait ainsi que le sakura était associé à la reproduction agricole.

Le symbolisme associé aux fleurs de cerisiers peut être trouvé tout au long de l’histoire du pays.

Pendant la période d’Edo, les fleurs de cerisiers ont été considérées comme des symboles de samurai : être samourai signifiait que votre vie serait aussi courte que celle de la fleur de cerisier. Ces fleurs symbolisaient la mort d’un guerrier et ont rappelé à d’autres guerriers de vivre pleinement leur vie.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les sakura avaient un symbolisme un peu plus sombre. Les pilotes de Kamikaze, célèbres pour leurs missions suicides en l’honneur du Japon, marquent leurs avions avec la fleur, un présage de leurs morts inévitables au cours de ces missions.


Les cerisiers à fleurs du Japon

On trouve une dizaine d’espèces sauvages de cerisiers au Japon. Les plus importantes sont :

  • Yamazakura (Prunus jamasakura) : Ce cerisier de montagne est principalement trouvé au Japon, à Taïwan et en Corée. Pouvant atteindre 30 m de haut et 8m de’envergure, ses fleurs blanches ou légèrement rosées, simples, en forme de coupe, et mesurent 2,5 à 3,5 cm de diamètre35. Elles apparaissent en petits groupes de 2 à 5 fleurs.
  • Ōshima-zakura (Prunus speciosa) : Natif des montagnes du nord-est de la péninsule d’Izu et de l’île Izu Ōshima. Petit arbre qui peut atteindre une hauteur de 4 à 10 m, ses fleurs sont abondantes, blanches et composées de cinq pétales.
  • Ōyama-zakura (Prunus sargentii) : On le trouve principalement au nord du Japon, notamment à Hokkaido. Il est connu pour sa résistance au froid et ses fleurs simples de couleur rose pâle à foncé de 3 à 4 cm de diamètre
  • Edo higan (Prunus pendula form. ascendens) : Cette espèce prend une forme de parapluie avec l’âge. Ses fleurs simples naissent sur des bourgeons rouges. Elles sont petites et rose, en grappes de 3 à 5 fleurs, virent au blanc en fin de floraison.
  • Kan-hizakura (Prunus campanulata) : C’est une espèce endémique d’Okinawa. Petit arbre à la floraison précoce, rose foncé à rouge, en forme de cloche, les fleurs sont pendantes et densément groupées sur les rameaux
Prunus jamasakura
Prunus speciosa
Prunus sargentii
Prunus pendula
prunus campanulata


Ces variétés mutent naturellement et s’hybrident entre elles ; leur culture recense plus de 600 cultivars.

Ces cerisiers produisent des fruits qui ne sont pas considérés comme comestibles, les fruits étant avec de petites drupes peu charnues avec de gros noyaux ; les cerisiers à fleurs doubles, eux, ne produisant pas de fruit.

Les cerisiers à fleurs doubles, espèces sauvages ou cultivars, sont appelés en général yaezakura. Le cultivar le plus ancien, toujours disponible de nos jours est le fugenzô (普賢象). Sa création remonte à l’époque Kamakura (de 1185 à 1333).

Ses fleurs doubles sont robustes et tombent tout entières par terre, sans éparpiller leurs pétales comme les autres espèces de cerisiers. Elles ont deux grands pistils au lieu d’un seul, qui se sont transformés en petites feuilles vertes saillantes. Cette espèce ne peut donc porter de fruit et se multiplie seulement par la greffe. La croyance veut que les pistils ainsi changés soient si semblables aux défenses de l’éléphant qu’on a nommé le cultivar fugenzô, littéralement l’éléphant ( 象) au bodhisattva Samantabhadra (Fugen 普賢), car l’éléphant est surtout connu pour les Japonais comme la monture du Bodhisattva Fugen, bodhisattva de la bonté universelle, associé à l’application de la sagesse dans la vie quotidienne

fleur de fugenzô
cerisier fugenzô dans un catalogue de 1758


Actuellement, une seule espèce horticole, Somei-Yoshino, appelé communément cerisier Yoshino, occupe environ 80% des cerisiers du Japon. Ce cultivar, plutôt nouveau-venu, a été trouvé par hasard vers la Restauration (1868) à Tokyo. Si cette variété a connu peu après sa mise en vente un grand succès, c’est parce que le gouvernent établi par la Réstauration avait un énorme besoin de cerisiers comme symboles du pays ; cette espèce horticole avait exactement les qualités requises :

  • ne pouvant avoir de semence pour se multiplier, elle ne prolifère que par la greffe donc tous les arbres sont des clones, formant ainsi un ensemble très homogène.
  • ses fleurs sont simples et conformes à la simplicité spirituelle, l’idéal des nationalistes.
  • sa croissance très rapide est adaptée aux nouveaux établissements publics : les jeunes arbres en peuvent avoir les fleurs dès la première année de plantation.
  • elle a une qualité bien appréciée au Japon : les feuilles n’apparaissent qu’après la chute des fleurs.
  • un défaut était aussi très apprécié de l’époque : les fleurs de Somei-Yoshino ne tiennent qu’environ trois jours. Pour les nationalistes, l’indifférence de la vie est une qualité suprême pour ceux qui veulent se dévouer à la patrie et la brièveté de la floraison en est un symbole parfait.

Pendant la 2ème guerre mondiale, les bombardements américains ont causé d’énormes dégâts au Japon. Avec les pertes humaines très importantes, beaucoup de cerisiers ont été brûlés à cause des bombes incendiaires. La reconstruction après la guerre nécessitait des cerisiers de croissance rapide. Encore une fois, le Somei-Yoshino est devenu le cultivar favori de l’époque.

Bien que n’étant pas un « problème de société », il y a actuellement de plus en plus de japonais qui s’oppose à la suprématie de ce cultivar trop présent selon eux.
La première raison est botanique : tous les arbres étant des clones, ceci représente une sérieuse menace pour les cerisiers du pays. Outre le danger de la mort collective par un agent phytopathogène, le vieillissement général est aussi observé, tous les arbres étant génétiquement identique et donc du même âge.
La seconde raison est esthétique : cette suprématie provoque une uniformité de la plantation.
La troisième raison est idéologique : le lien symbolique des fleurs du cerisier Yoshino avec le passé militaro-expansionniste du Japon amène ceux qui dénoncent les exactions de ce passé à souhaiter voir diminuer la présence de ces arbres au Japon.


Momijigari : le pendant automnal du hanami

En automne (秋), le Japon célèbre les feuilles rouges de ces érables. Cet événement s’appelle le momijigari ( 紅葉狩り ) qui représente la “chasse aux feuilles rouges”. Tout comme le hanami durant les sakura, le momjijigari est une tradition qui existerait depuis la période Heian (794-1195). Elle était l’apanage des élites de la société jusqu’à la période Edo (1603-1868) où la pratique s’est démocratisée.

Les kanji 紅葉 peuvent se prononcer de deux façons : kōyō et momiji ; leur sens diffère légèrement en fonction de leur lecture. Momiji désigne les feuilles d’érable teintées de rouge en automne alors que kōyō dénote le changement de couleur des feuilles d’arbres au rouge en automne.

Pour les japonais, la symbolique des feuilles rouges sublime la beauté éphémère, car elle est l’interprétation du cycle de la vie : au début du Momijigari, on peut observer les kōyō, souvent comparées à des mains de bébé, prendre des couleurs et grandir pour à la fin tomber, signifiant la mort.

Tout comme le hanami, le service météo japonais publie des prévisions relative à la date de floraison dans chaque région du Japon (sakura zensen).

Retour en haut