Présentation des bonsaï

La présentation des bonsaï en exposition se fait sur le modèle de présentation traditionnel japonais, à l’intérieur d’une alcôve dédié dans les maisons japonaises : le tokonoma.

Le tokonoma

Dans cette alcôve, les règles de présentation sont définies par un principe esthétique typiquement japonais : le kazari.

Le tokonoma est une niche de la taille d’un tatami, soit 1,80m sur 0,90m, généralement surélevé de10 à 15cm. La hauteur est très souvent égale à sa largeur

Cette niche est conçue pour exposer des objets d’art, tels que des bonsaï, des peintures, des calligraphies, des poteries ou autres objets d’art et des arrangements floraux de l’ikebana, créant ainsi un espace esthétique et contemplatif.

Outre sa fonction décorative, le tokonoma est utilisé dans des contextes rituels, comme la cérémonie du thé, où il sert de lieu de méditation et d’appréciation esthétique.

Toutefois, le tokonoma est plus qu’un simple espace décoratif ; il incarne une philosophie esthétique ancrée dans la culture japonaise.

Cette esthétique met en avant :

  • la simplicité et l’harmonie : par une disposition très étudiée des objets dans l’espace, où chaque détails à une importance,
  • la valorisation de l’espace vide : à l’opposé de l’esthétique occidentale, où la richesse de l’ornementation et souvent synonyme de beauté, la culture philosophique japonaise accorde une grande importance à l’espace vide, considéré comme aussi significatif que les objets eux-mêmes. Le « peu » et le vide oblige à se concentrer sur les détails et favorise la sensation de calme et de tranquillité,
  • l’expression de la saisonnalité : la culture et la philosophie japonaise sont très respectueuse de la nature, le tokonoma se doit de marquer cette saisonalité,
  • le raffinement artistique : l’exposition dans un tokonoma permet à son propriétaire de montrer son goût pour l’art et l’esthétique, affirmant sa connaissance et son respect des traditions et influençant ainsi l’évolution des modes.
  • la spiritualité : lié à ces origines bouddhistes, le tokonoma possède une dimension spirituelle. Cette connexion entre l’art, l’espace, la nature et la spiritualité est un aspect fondamental de l’esthétique japonaise, créant une atmosphère propice à la méditation et à la réflexion.

tokonoma : sobriété de présentation

tokonoma : espace spirituel

Le kazari

Le kazari est l’art de la présentation et de l’exposition des bonsaïs. Cet art très codifié reflète les valeurs esthétiques japonaises.

Le but est de créer une composition harmonieuse et équilibrée qui s’inspire de la présentation traditionnelle dans le tokonoma. L’objectif est de suggérer un paysage complet à travers une présentation soignée. Les expositions se faisant habituellement sur des tables, la principale différence en terme de dimension sera donc la hauteur plus restreinte, habituellement 1,20m

Dans la présentation, chaque élément doit contribuer à l’harmonie générale sans attirer excessivement l’attention, le(s) bonsaï restant l’élément principal.

Les différents types de présentation

Trois types de présentation dépendent de la taille des bonsaï à exposer :

  • les grands bonsaï (taille supérieure à 45 cm), qui occupe presque seul l’espace de présentation,
  • les bonsaï de taille moyenne, dans une présentation à trois éléments,
  • les petits bonsaï (mame et shohin) présentés en groupe dans des armoires.

Dans tous les cas, la présentation doit être dynamique, équilibrée et utiliser tout l’espace , horizontal et vertical, afin de créer une impression de paysage dans une composition à 2 ou 3 plans séparés par des espaces vides, à la manière de la perspective des paysages dans la peinture traditionnelle chinoise.

Les accessoires de présentation

Plusieurs éléments d’accompagnement sont présents dans l’exposition des bonsaï. Ils permettent de définir la dynamique en forçant l’observateur à parcourir l’espace pour interpréter la présentation.

Les pots

Les pots d’exposition seront particulièrement soignés, aucun dépôt calcaire ne devant être visible par exemple.

Les arbres de caractère fort, dit masculin, seront présentés dans des pots d’aspect massif, en particulier les conifères qui seront toujours dans des pots non vernissés. Les arbres de caractères plus féminin auront des pots plus fins , potentiellement plus ouvragés et arrondis.

Pour des arbres à végétations arrondies,, on utilise des pots aux formes plus douces, bombées ou arrondies que pour des arbres anguleux pour lesquels on préfèrera des pots aux angles marqués.

En cas de présence de plusieurs pots dans la présentation, ceux-ci doivent être différents de forme de couleur, de texture et, bien entendu, en harmonie avec l’arbre ou la plante d’accompagnement.

Le substrat ne doit pas être visible ; il sera recouvert de mousse. Cette mousse peut donner un aspect uniforme à la surface ou non, si l’on utilise plusieurs espèces de mousses.

La disposition de la mousse doit indiquer une impression d’intégration de la mousse au substrat de longue date (le moshikomi) et celle-ci ne doit pas empiéter sur le rebord du pot.

Dans tous les cas, le pot ne doit pas capter plus d’intérêt que l’arbre lui-même.

Les supports : tablettes, jita et yatsuhashi

Les végétaux ne sont jamais posés directement sur le sol d’exposition. Quelque soit leur taille, ils seront posés sur un support qui garantit la propreté du sol.

Les tablettes peuvent être rondes, carrées, rectangulaires ou, quelquefois, octogonales.

tablette rectangulaire

tablette ronde

Rondes, elles ne doivent supporter qu’un pot rond ; un pot rond pouvant être placé également sur une tablette carré ou octogonale. Rectangulaires, elles supportent des pots rectangulaires, ovales ou autre forme allongée.

Les tablettes rondes et octogonales sont placées avec un pied centré en face avant de la présentation, sauf en cas d’arbre massif ou la vision de deux pieds améliore la sensation de stabilité.

Elles doivent s’harmoniser avec le bonsaï qu’elles supportent : pour un arbre massif, on choisira une tablette d’aspect robuste aux pieds épais et puissants ; pour un arbre plus léger, une tablette élégantes aux pieds fins et élégants.

Les tablettes possédant des petits barreaux sont réservées aux feuillus, les barreaux rappelant leur ramification plus fine que celle des conifères.

La dimension de la tablette, par rapport à l’arbre est particulièrement importante. Dans l’absolu, la longueur et la largeur de la tablette est égale à la longueur et la largeur du pot plus une hauteur de pot de chaque côté. En effet, dans tous les cas, le pot est centré sur la tablette.

Cette règle est à nuancer pour les pots profonds (bonsaï cascade ou semi cascade). On peut alors laisser environ 1/5 d’espace libre de chaque côté du pot.

Lorsque la surface de la tablette est ceinturée par un renfort, le pot ne doit en aucun cas toucher la rainure de séparation de ces deux surfaces.

La hauteur de la tablette permettra de positionner l’arbre dans l’espace vertical de présentation.

Les jita sont des rondelles, généralement vernissées, de tronc ou de racines de moins d’un centimes d’épaisseur dont les bords doivent rester naturels, non travaillés, avec des formes simples et arrondies. Les plus belles sont issues de loupes d’arbres (orme, cade, cep de vigne, …), dont le motif les rend uniques. Utilisées principalement pour les plantes d’accompagnement, elles peuvent également servir à supporter un arbre particulièrement haut.

jita issues de cep de vigne

Le yatsuhashi est un support composé de 3 ou 5 planchettes de mêmes dimensions, accolées les unes aux autres et positionnées de façon asymétrique.

Il tire son nom des ponts en zigzag traditionnels japonais, qui sont des éléments caractéristiques des jardins japonais.

Les peintures et calligraphies

Le kakejiku 掛軸 (掛 suspendu 軸 parchemin) désigne spécifiquement une peinture ou une calligraphie sur soie ou papier, encadrée par deux rouleaux, accrochée à un mur.

Le kakemono 掛物 (掛 suspendu 物 chose) avait, à l’origine, le même sens que kakejiku dans le contexte artistique japonais. Maintenant, l’usage a évolué pour inclure des usages plus commerciaux et publicitaires, pour des images présentées avec ou sans rouleaux. Pour les expositions de bonsaï, le terme kakejiku désigne un support sur lequel on insère une peinture ou une calligraphie ; le terme kakemono est aussi employé, mais devrait être réservé aux affichages sans rouleaux.

Le kakejiku (ou kakemono) est obligatoirement positionné au milieu de l’espace de présentation. Il ne peut donc pas être utilisé avec des arbres qui dépassent cette limite sur la table de présentation.

Le kakejiku permet l’occupation de l’espace vertical. Il participe à décrire le paysage représentée ou la saisonnalité. C’est généralement la saison à venir qui doit être suggérée.

On restera très méfiant pour l’emploi de calligraphie : la méconnaissance de la langue pouvant produire des situations inappropriées et des réactions inattendues de la part d’un spectateur qui comprend le textecalligraphié.

Comme pour les autres éléments de présentation, il ne doit pas détourner l’attention de l’arbre.

Les éléments d’accompagnement : shitakusa, suiseki, tempai

Le principal accompagnement dans une présentation de bonsaï est une plante d’accompagnement, appelée shitakusa en japonais.

La plante d’accompagnement apporte une note plus naturelles que les suiseki et les tempai.

Tous sont posés sur des supports et non directement sur la table d’exposition.

Suiseki et tempai doivent donner un sens assez évident à la présentation ; pour les plantes d’accompagnement, le rôle est plus subtil.

La plante d’accompagnement est présentée dans un pot dont la forme et la couleur diffère du pot du bonsaï.

Il ne peut y avoir également redondance entre forme de l’arbre et de la plante d’accompagnement, ainsi que pour la forme des feuilles. On ne doit pas exposer un arbre et une plante d’accompagnement tous les deux en fleur ou portant des fruits. La plante doit évoquer la saisonnalité ou l’habitat naturel de l’arbre.

La hauteur de la plante ne doit pas dépasser la hauteur de la tablette du bonsaï, hormis quelques pousses ou tiges florales. Le nombre de fleurs doit être limité, toujours dans l’objectif de laisser le bonsaï être prédominant dans la présentation.

Tout comme pour le bonsaï, le substrat ne sera pas visible et la plante dégagera une sensation de mochikomi ; en effet les plantes d’accompagnement doivent être cultivées avec le même esprit que les bonsaï et inspirées le même « vécu ».

Les règles de présentation

De manière générale, l’arbre ou l’armoire ne sera jamais positionné centré sur l’espace d’exposition.

Pour donner de la dynamique et forcer le regard du spectateur à parcourir tous les éléments de la présentation, l’arbre sera placé sur la gauche si sa direction va vers la droite et, inversement, sur la droite si sa direction va vers la gauche. Pour une armoire, la côté ouvert sera dirigé vers le centre de l’espace de présentation. Ainsi l’arbre ou l’armoire, élément principal de la présentation regarde vers le centre de l’espace.

Les autres éléments de la présentation sont positionnés pour occuper tout l’espace en largeur, profondeur et hauteur, contrebalançant le volume occupé par l’élément principal. Il ont un niveau de qualité homogène et aucun ne doit focaliser l’attention du spectateur.

Bonsaï de grande taille : présentation dite à 2 éléments

Sauf dans le cas d’un arbre très grand, se suffisant à lui-même, un grand bonsaï sera présenté avec une plante d’accompagnement ou un suiseki.

L’arbre est installé à mi profondeur de la table, le shitakusa à l’opposé, légèrement en avant du bonsaï et, s’il présente une direction, regardant l’arbre.

Pour un arbre de type cascade, s’il doit être présentée de biais, le pot sera reculé et la cascade sera dirigée vers le shitakusa.

Seulement dans le cas d’un arbre très fin (lettré par exemple) on peut avoir un kakemono ; dans les autres cas c’est impossible car celui-ci, obligatoirement placé au milieu de l’espace vertical serait soit tout ou partie masqué par l’arbre, soit laisserait une moitié de l’espace vide en face d’une moitié surchargée.

Bonsaï de taille moyenne : présentation dite à 3 éléments

Pour les arbres de taille moyenne, s’ils sont très massifs et/ou que la table d’exposition est plus étroite qu’un tatami standard, une présentation à deux éléments peut être mise en œuvre.

Dans les autres cas, un arbre de cette taille ne peut être seul et sera présenté avec deux autres éléments .

Il est ainsi possible de présenter l’arbre principal de l’exposition avec :

  • un arbre secondaire et un kakemono,
  • un arbre secondaire et une plante d’accompagnement / suiseki / tempai,
  • un kakemono et une plante d’accompagnement / suiseki / tempai.

Initialement une composition avec deux arbres devait contenir un arbre de montagne et un arbre de plaine pour que la présentation symbolise un paysage complet. Maintenant, la règle est moins restrictive, il faut juste que les arbres soient différents, de variété et d’aspect.

L’arbre secondaire doit être de taille très inférieure à celle de l’arbre principal, il est positionné en avant de l’arbre principal. La plante d’accompagnement sera placée plus ou moins près de l’arbre principal ou de l’arbre secondaire pour mettre l’accent sur l’un ou l’autre arbre (présentation dans trois plans horizontaux). L’arbre principal regarde l’arbre secondaire ; celui-ci regarde la plante d’accompagnement . Les pots sont tous de formes et de couleurs différentes.

Dans tous les types de présentation, la composition verticale de l’ensemble doit s’inscrire dans un triangle scalène, c’est-à-dire une triangle dont les trois côtés sont de longueur différentes ainsi que les trois angles. Il n’y a donc aucune symétrie dans la présentation, rendant une meilleure dynamique et ne bloquant pas le regard sur un élément central.

Bonsaï de petite taille : présentation en armoires

La petite taille des shohin et mame, face à l’espace de présentation, oblige à exposer plusieurs arbres en même temps. Pour ce type de présentation, on utilise principalement des « armoires » qui symbolise une montagne.

Les principales armoires ont une forme codifiée, ce qui permet de leur donner un nom, mais leurs dimensions sont variables :

  • l’armoire Fuji, pour des présentations à 7 éléments est la plus répandue,
  • l’armoire Rokku, pour des présentations à 6 éléments,

D’autres armoires existent ; parmi elles certaines évoquent la lune :

  • Mangetsu, en forme de pleine lune,
  • Mikazuki, en forme de demi-lune.

D’autres formes peuvent également être utilisées, en particulier la sellette warabi.

Il est également possible d’associer plusieurs armoires dans une présentation, mais cette configuration est relativement rare car on obtient rapidement une surcharge de l’espace d’exposition.

Comme pour les autres catégories de bonsaï, les présentations de shohin répondent aux même exigences esthétiques relativement à la non redondance des espèces, à la forme, couleur ou texture des pots, etc …

L’utilisation des tablettes dans une armoires n’est pas obligatoire ; celles-ci servent uniquement à équilibrer la hauteur des arbres à un étage donné ; elles sont obligatoirement centrées.

Les arbres doivent avoir une qualité homogène.

On peut toutefois faire une exception à ces règles avec une présentation utilisant uniquement des azalées.

La présentation dans une armoire Fuji

Bien que rectangulaire, l’armoire à un sens et est « ouverte » du côté de l’étagère la plus basse. L’armoire sera donc placée sur la gauche ou la droite de l’espace de présentation en respectant ce sens et décalée sur la moitié arrière de l’espace horizontal.

L’armoire abrite cinq arbres, un sixième, appelé arbre d’accompagnement, est placé à l’extérieur de l’armoire et décalé sur le devant de l’armoire. Il peut être posé sur le même support, une jita, que la plante d’accompagnement, septième élément de la présentation.

Si la plante et le bonsaï d’accompagnement sont sur des supports séparés, la plante peut être mise plus prêt de l’armoire ou plus prêt de l’arbre d’accompagnement suivant où elle doit mettre l’accent.

L’arbre principal est placé au centre de l’étagère du haut de l’armoire (tenba). Symbolisant le haut de la montagne, c’est le plus souvent un pin ou un genévrier. Il doit avoir une direction marqué vers le centre de l’espace de présentation. Il est sensé regarder l’arbre d’accompagnement qui, lui, le regarde également.

A l’étage du milieu (chudan), on trouve habituellement une cascade ou semi-cascade sur la partie la plus haute de l’étagère, orientée vers l’intérieur et un arbre à fleurs sur la partie basse qui regarde vers la cascade /semi-cascade.

L’étage inférieur de l’armoire reçoit de préférence un multi-troncs ou un conifère sur le tiroir et un arbre petit et trapu sur la partie basse.

Si les deux étages inférieurs contiennent des arbres persistants et des arbres caducs, alors ils doivent être croisés ; la disposition en deux colonnes de persistants et de caducs étant absolument à proscrire.

En regard du nombre d’arbres, de pots et de plantes d’accompagnement, créer une armoire équilibrée tenant compte de la saisonnalité est très difficile.

Les présentations dans les autres armoires et les sellettes

Les règles de base de la présentation dans une armoire Fuji restent valables (orientation et positionnement de l’armoire, orientation des arbres, …).

Pour les sellettes, l’espace bas, fermé, est généralement laissé vide.

Les contraintes esthétiques sont moins fortes ; la plante d’accompagnement peut être remplacé par un suiseki ou un tempai et un kakemono peut être affiché sur le fond de la présentation.

présentation sur une armoire Warabi

présentation sur une armoire Mikazuki

Approche moins conventionnelle

Les descriptions précédentes expose les règles classiques de présentation établies lors des diverses expositions de bonsaï au Japon dans la première moitié du vingtième siècle.

En occident, la culture est différente et il ne nous est pas facile de comprendre la philosophie qui est associée à l’esthétique japonaise traditionnelle.

Il en découle des présentations qui sortent du respect strict du kazari ; les « Anciens » refusant la nouveauté, les « Modernes » l’acceptant, si ces propositions sont cohérentes et qu’elles « racontent une histoire », c’est-à-dire qu’elles sont explicables … et compréhensibles.

On notera également que certaines présentations dans les expositions actuelles au Japon « s’occidentalisent » et que le kazari traditionnel n’est pas toujours de mise.

Présentation non conventionnelle qui évoque un pin
ayant poussé dans une jante de la voiture abandonnée et envahie par la nature

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